Cette vanité* restitue une partie des billets ayant été publiés sur le site Les Moissonneuses, créé le 1er août 2006 par Jenny Suarez-Ames et deux copines (Kelp et La Rubia, semblerait-il), puis co-administré — si j'ai bien compris — à partir d'août 2007 par le colonel Alfredo Smith-Garcia, qui vaporisa l'ensemble le 23 janvier 2009.
Certains billets sont bien complets de leurs commentaires, mais la plupart, non : on a fait avec ce qu'on avait.
Comme je suis une truffe en informatique, la mise en page est parfois bousculée, différente de celle d'origine. Si certaines images manquent, c'est qu'elles ont disparu des serveurs qui les hébergeaient. Quant aux liens internes des messages, la plupart ne fonctionnent évidemment plus.
Mr Paic-Machine nous signale aimablement que l'on trouve d'autres archives des Moiss' .

* Les mots en italiques sont dus à l'intelligence de l'Anonyme historique d'autres blogues, fruits plus ou moins ancillaires des Moissonneuses.

samedi 13 février 2010

9 septembre 2008 (2)

mardi, septembre 09, 2008

DSM-IV: monomaniaque obsessionnelle


Les yeux remplis d'une terreur soudaine, Jenny recula devant le couteau, sa main cherchant à tâtons derrière elle le bouton de la porte de la cuisine. Elle était trop effrayée pour hurler; d'ailleurs, il n'y avait personne pour l'entendre. Personne, à part l'homme qui venait vers elle avec le couteau — et cet homme était fou, il devait être fou. Sa main agrippa le bouton, le tourna. La porte s'ouvrit sur les ténèbres et Jenny s'élança dans la nuit. La Mort se jeta à sa poursuite.

Huit années s'écoulèrent.

Les puristes et les obsessionnels (nous sommes les deux, également cyclothymiques et paranoïaques) pourront comparer ici la traduction révisée avec l'originale. On signale au passage que le livre (faut-il préciser qu'il s'agit de La Fille de nulle part?), notre première frustration éditoriale et notre grand amour, vient de reparaître en poche chez Rivages/Noir.

22 approbations inconditionnelles:

GWFW a dit…

Chacun ses goûts, mais moi je préfère « emplis » (trad. 1. Puisque cette terreur est soudaine, il n’y a pas d’itération), « d'ailleurs, il n'y avait personne » (trad. 2), « Sa main agrippa le bouton » (trad. 2), la suppression du « en courant » de la trad. 1, pléonastique à propos du verbe « s’élancer », et l’absence de majuscule à « la mort » (trad. 1).
Pas d'avis tranché, donc : faut voir la suite du Rivages, que je n'ai pas. C'est-y G. de Chergé himself qui s'est corrigé ?

Jenny Suarez-Ames a dit…

Je suis entièrement d'acc avec vous. Peut-être la capitale à "mort" est-elle le fait d'un préparateur, d'un correcteur, voire de l'éditeur. Pour l'instant, je préfère quand même la 2, surtout pour la suppression du "en courant" en effet pléonastique. Et c'est bien G. de C. qui s'en est chargé himself (comme Gratias l'a fait pour Le Crépuscule des stars), et de m'envoyer le livre (à La Découverte). Excellent homme avec qui je prévois un déjeuner-débat brownien; j'en suis émue comme une petite fille (de nulle part).

GWF Weaver a dit…

C'est vrai, on ne songe pas souvent à recenser tous les ouvrages d'un même traducteur (sauf s'il s'appelle Philippe Garnier ou Manchette, évidemment), mais le fait que GdC (NB : ne pas confondre avec NdB) a traduit une belle tripotée de Brown dans les 80's (chez NéO et Clancier-Guénaud) aurait dû mettre la puce à l'oreille des rêveurs lunatiques : c'était pas forcément du pur alimentaire. Comment savoir qui il a traduit d'autre, quand on n'a pas la chance de l'avoir à sa table ? Bon appétit.

Jenny Suarez-Ames a dit…

C'est à table déjà que j'ai appris que le traducteur de J'étais Dora Suarez n'a jamais pu relire son travail. Trop dur, trop violent, trop intime, finalement. Il faut lire tous les Robin Cook traduits par Gratias, d'ailleurs, et passer outre, chez Folio, les affreuses traductions d'un certain Piat (de mémoire, qui n'a rien à voir avec Jean mais est aussi agaçant).

entre au pis a dit…

Jean-Bernard Piat (non, non, ce n'est pas Pouy, même pas fumé, et je ne crois pas qu'il habite rue Piat). Dites, c'est chouette, de pouvoir passer tant de temps à déguster des mets; pourtant l'embonpoint (pour vous) ne semble pas menacer…
Figurez-vous que si Gratias n'a jamais pu relire son travail, Cook, lui, a bien failli ne pas pouvoir achever JEDS, exactement pour les mêmes raisons.

Jenny Suarez-Ames a dit…

Jean-Bernard Piat, ce sinistre nul qui a massacré le superbe Comment vivent les morts (à rapprocher du non moins superbe Ainsi vivent les morts, de Will Self, écrivain que les Moissonneuses apprécient beaucoup), un "universitaire", il paraît, capable de parler de "gin chaud" et d'une "jolie église pourrie" (oui, "pretty"...), ne mérite aucune indulgence. Qu'il aille traduire l'autre Robin Cook, si c'est le nom qui le botte.

lexomaniaque a dit…

Emplissez-moi ce verre afin que je m'afraîchisse.
Chacun ses goûts en effet mais le préfixe "r(e)" de "remplir" ne marque pas l'itération mais l'intensité. Idem dans "rentrer" (dans un arbre), "redoubler" (une classe), "rafraîchir", etc.

Père Sistessigne a dit…

Cher Pr Lexomaniaque, veuillez vérifier votre Petit Robert (p. 1877 dans mon éd. 1993) : "re" exprime (par ordre décroissant de pertinence) :
- le fait de ramener en arrière
- le retour à un état antérieur
- la répétition (itération)
- le renforcement, l'achèvement (intensité).

Bien à vous.

grand-père sistésigne a dit…

Mon cher fils gwfw, ce que dit le Robert ne contredit en rien ce que je vous disais même si le sens du renforcement est le moins fréquent. En l'occurrence, en ce qui concerne "remplir", "r(e)" indique le renforcement ( c'est-à-dire l'intensité)ou peut être considéré éventuellement comme une forme plus moderne du verbe (v. plus bas).
Un indice? Citez-moi une seule phrase dans la vie quotidienne ou dans la littérature où "remplir" pourrait signifier: "emplir une deuxième fois". Disons plutôt qu'emplir, étant une forme vieillie de remplir appartient à un registre plus soutenu que remplir et voilà tout.
Ah! enfin des débats de fond sur ce blogue.
P.S.
1) On ne donne pas les références d'un dictionnaire par page mais par lemme (entrée). pour faire son malin, on écrit: s.v. = sub voce). (Si on veut être pédant et "discutaillon" , soyons-le tout à fait.)
2) Je vous donne une version un peu plus récente du Robert sur le sujet: "re": " Élément, du latin re (var. ré, r- devant voyelle) indiquant un mouvement en arrière, qui exprime : le fait de ramener en arrière (rabattre, recourber), le retour à un état antérieur (refermer, rhabiller), la répétition (redire, réaffirmer), le renforcement, l'achèvement (réunir, ramasser) ou un sens équivalent de la forme simple vieillie (raccourcir) ou réservée à d'autres emplois (raffermir, rameuter)." et vous renvoie également à Grevisse.
2) Pour une fois que les échanges ne se terminent pas par des insultes du genre "va te faire enc..., petite b..." et j'en passe, j'en profite.
Bien à vous.

inès branlable a dit…

Cher aïeul,
Sans vouloir trop m'étendre sur ce point capital dont dépend la crédibilité des Moissonneuses (si les traducteurs se prenaient autant la tête, on aurait plus vite fait, nous lecteurs, d'apprendre les langues étrangères),
1) Je sais pertinemment qu'on ne donne pas les références d'un dictionnaire par page mais par lemme. Je n'ai précisé qu'afin que vous puissiez comparer avec votre édition, qui se trouve être identique, et comprendre que je résumais.
2) Je vous renvoie pour ma part à Littré, notamment au passage que j'engraisse :
EMPLIR, REMPLIR. Rigoureusement, remplir signifie emplir de nouveau ; mais la particule réduplicative re perd souvent son sens ; et ici elle s'est modifiée ; de sorte que remplir exprime l'action d'ajouter ce qui manque pour que la chose soit tout à fait pleine : remplir un tonneau. C'est là la nuance essentielle et de laquelle découlent les emplois de ces deux verbes. On dira un bois rempli de voleurs, plutôt que empli, parce que en effet des voleurs n'emplissent pas le bois, mais le remplissent à fur et mesure qu'ils y arrivent ou y séjournent. On dira que les grands mots emplissent la bouche, plutôt que remplissent, parce qu'on veut exprimer non pas la venue successive des mots dans la bouche, mais l'effet simultané, la plénitude qu'ils produisent. D'un autre côté, quand on dit : sa gloire emplit ou remplit l'univers, il est difficile de saisir une nuance réelle.

Enfin, sachez que si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais traduit :
"les yeux pleins d'une terreur soudaine".
Enfin, pas si sûr…
2) [sic] Va te faire traduire chez les Grecs !

Bien à vous.

Jean démorpa a dit…

La fin de votre analyse est intéressante et me semble juste mais ne concerne pas la question de l'itération, point de départ de notre échange. J'attends encore un emploi de remplir avec sens itératif. Bon, enfin, on ne va pas passer le réveillon là-dessus. Come disait probablement mon arrière grand-père, je vous passe la casse, passez-moi le séné.
De notre échange contradictoire ne dépend pas la crédibilité de ce blogue, certes, mais consultez les commentaires et vous verrez que bien peu d'échanges (à part ceux qui consistent en de pénibles séances de fayotage)se terminent sans insultes. En cela le nôtre est une rareté. C'est déjà ça.

Adolfo tif a dit…

"comme"

Jenny Suarez-Ames a dit…

Chers lexicomanes courtois, vous faites décidément honneur à la névrose évoquée dans le titre.

inès pabeautoussa a dit…

Zut, je ne saisis pas le sens de "je vous passe la casse, passez-moi le séné".
Bon, nous convenons donc de demeurer courtoisement sur une divergence mineure. Je promets de vous communiquer un emploi itératif du verbe "remplir" dès que j'aurai le temps de m'appesantir sur la question (il reste quand même pas mal de commentaires à faire sur d'autres sujets).
Accessoirement, je me demande si le fait que l'ouvrage "DSM" commence par les lettres "D,S" (désses aiment…) ne devrait pas faire verser certains dans la parano la plus complète.
Enfin, quoique fort novice sur ce blogue, je profite de votre insistance sur les vitupérateurs qui déblatèrent (merci de vérifier le sens de ce verbe, si vous êtes à même de jouer à Anastasie) pour faire cette déclaration, pléonasme appelé au spam :
Les Moissonneuses sectionnent un champ exigeant : merci de s'y montrer élégant (vis-à-vis des amis) et scientifique dans la violence visant les ennemis. Quant à l'avènement du communisme (tendance reliqua desiderantur, pour ma part), j'attends, moi, son heure.
Bien à vous.

séné pas grave a dit…

Pour casse et séné v. petit Robert s.v. "séné".

Séné qu'aux Portes (hic !) a dit…

Page 2071, en effet. Merci de votre obligeance, et pour mon instruction. Quel paradis, ce blogue ! Blogue à part, je vous signale que si effectivement je me drogue, mon transit se porte bien, merci (itératif).

Est-ce toi ? a dit…

Précision : je croyais qu'il s'agissait d'argot de typographes.

[R]empli de perplexité a dit…

En y réfléchissant, la délicatesse de la décision à prendre concernant cette traduction (dont j’ignore d’ailleurs le texte original) vient du fait que l’expression « les yeux [r]emplis d’une terreur soudaine » associe du concret et du figuré. On peut dire, indifféremment : « les yeux emplis (ou remplis) de larmes », car là on est entièrement dans le registre du concret. Mais la terreur relève de l’affectif, donc plutôt du figuré, registre pour lequel on emploie d’ordinaire « remplir » (du moins, selon les dictionnaires du XIXe). Et pourtant je persiste à préférer la forme « emplis », peut-être par analogie ou assonance avec des expressions telles que « la voix pleine de tristesse », « le visage empreint de douleur »…
Bref, en dehors de la subjectivité de chacun, je ne vois pas en fin de compte ce qui permettrait de trancher assurément, même si je suis tombé sur ce passage dans le Dictionnaire synonymique de la langue française de Jean-Charles Laveaux (1826), p. 23 :
« Remplir signifie aussi emplir de nouveau. Si immédiatement après que le vin d'une bouteille est bu, on y met de nouveau vin, on n’emplit pas la bouteille, on la remplit. La répétition immédiate de l'action exige ce terme. Mais si on se servait de la même bouteille dans une autre occasion plus éloignée, on dirait qu'on l'emplit. »

L’article le plus complet que j’ai trouvé est disponible à la page ci-dessous :
http://books.google.fr/books?id=f2wOAAAAQAAJ&pg=PA79&dq=%22emplir,+remplir%22&lr=

Recoupeur de cheveux en quatre a dit…

L'article est très intéressant en ce qui concerne l'histoire du mot (l’ouvrage auquel vous faites référence est de 1785 et l'article lui-même se réfère à Vaugelas, première moitié du 17e): il y a bien eu un moment où "emplir" et "remplir" coexistaient et se distinguaient par le sens. A mon avis, les deux mots, qui coexistent encore aujourd'hui ne se distinguent plus que par le registre. "Emplir" est, selon le contexte, poétique, châtié, soutenu, recherché, vieilli et/ou affecté, comme on voudra et "remplir" de registre courant mais les deux verbes ne se distinguent plus par le sens. Je suis donc de l’avis de mon vieil ami Le Petit Robert (2007, nouvelle édition) qui dit à propos d’ « emplir » : « vieilli ou littéraire ».
P.S. Vous avez (re)marqué: pas une seule grossièreté en 19 messages: c'est un coup à se faire exclure.

Y s'taira, c'tif haché menu ? a dit…

Permettez-moi juste, avant de briser là, d’attirer votre attention sur la fin de l’article de l’abbé Roubaud :
« “Après tout, continue Vaugelas, j'ai appris que l'on ne saurait faillir à dire toujours remplir, de quoi que l'on parle, où l'on croira que le mot d’emplir soit bon, au lieu que l'on peut souvent manquer en mettant emplir pour remplir”.
L’Académie observe que remplir se prend le plus souvent dans la simple signification d’emplir. Eh, tant pis ? En suivant le conseil de Vaugelas, on ne fait qu'éluder les difficultés, et l'on néglige de s'instruire. En autorisant l'usage remarqué par l’Académie, on dénature les mots, ils ne se distinguent plus, et le plus commun parvient enfin à faire négliger et même oublier l'autre, quoique souvent le plus propre. C'est ainsi que répandre a chassé de la prose ordinaire épandre, et de même de beaucoup d'autres verbes composés dont à peine trouvons-nous les verbes simples dans les vieux Vocabulaires.»
Eh bien, une fois n’est pas coutume, je me range du côté des croassements de la calotte contre l’Académie et Vaugelas (dont les Remarques… remontent à 1647), et l’avis de l’abbé me semble tout aussi pertinent aujourd’hui qu’en 1785. Avez-vous d’ailleurs remarqué que les exemples fournis par les dictionnaires (sur ces termes-là, du moins) perdurent à l’identique, de Vaugelas à Littré ? Je suis tout à fait prêt à passer pour un immonde réac’, mais il me semble qu’Orwell n’avait pas tort (et le temps passant, de moins en moins).

Fantomas a dit…

Je ne vois pas pourquoi vous auriez le dernier mot AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHA

Max Jacob a dit…

Cher ami, vous n'avez que faire dans notre salon : retournez-donc aux cuisines où je vous ai cantonné dans mon Cornet à dés en 1923, je vous prie.

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