Cette vanité* restitue une partie des billets ayant été publiés sur le site Les Moissonneuses, créé le 1er août 2006 par Jenny Suarez-Ames et deux copines (Kelp et La Rubia, semblerait-il), puis co-administré — si j'ai bien compris — à partir d'août 2007 par le colonel Alfredo Smith-Garcia, qui vaporisa l'ensemble le 23 janvier 2009.
Certains billets sont bien complets de leurs commentaires, mais la plupart, non : on a fait avec ce qu'on avait.
Comme je suis une truffe en informatique, la mise en page est parfois bousculée, différente de celle d'origine. Si certaines images manquent, c'est qu'elles ont disparu des serveurs qui les hébergeaient. Quant aux liens internes des messages, la plupart ne fonctionnent évidemment plus.
Mr Paic-Machine nous signale aimablement que l'on trouve d'autres archives des Moiss' .

* Les mots en italiques sont dus à l'intelligence de l'Anonyme historique d'autres blogues, fruits plus ou moins ancillaires des Moissonneuses.

samedi 13 février 2010

11 septembre 2008 (3)

jeudi, septembre 11, 2008

Gregory McDonald est mort

Il paraît que Gregory McDonald est mort il y a quatre jours (merci à JML pour l'information qui était passée totalement inaperçue — de nous en tout cas). On relira le terrible Rafaël derniers jours (The Brave), et on oubliera Sarah Palin et ses élans.
Rediffusion moissonneuses:

« Que se passe-t-il, que se passe-t-il vraiment ? » Telle était la question récurrente d’un roman de François Taillandier, Des hommes qui s’éloignent, paru il y a une petite dizaine d’années et dont la critique aurait pu trouver place dans la chronique de notre ami Hubert Arthus, « Ca aurait pu être un polar ». Ce roman racontait l’inquiétude de quelques quadras et la dérive de l’un d’entre eux, Xeni, incapable de comprendre comment, dans un monde comme le nôtre, c'est-à-dire un monde où la totalité des activités humaines est en passe d’être définitivement marchandisée, la plupart des gens pouvaient continuer à vivre au quotidien comme si les choses allaient de soi, comme si chaque instant qui passait dans le présent perpétuel du capitalisme mondialisé ne cachait pas un carnage silencieux, un massacre des innocents, une profanation mortifère.
« Que se passe-t-il, que se passe-t-il vraiment ? »
Parfois, le polar, presque malgré lui, répond à cette question avec une précision terrifiante.
Le cas de Gregory McDonald est à ce titre exemplaire. Gregory McDonald est le créateur de Fletch dans un roman éponyme de 1974. Fletch, de son vrai nom, Irwin Fletcher est journaliste au New Tribune. Les années soixante-dix, aux Etats-Unis, aiment les excentriques. Sans être un adepte du Gonzo journalisme à la Hunter S.Thompson, Fletcher est malgré tout un partisan de l’immersion sur le terrain. Traîner en bermuda et fumer des joints sur la plage, faire l’amour avec de jolies hippies et se faire engueuler par son rédacteur en chef parce qu’il a les cheveux trop longs, tout ça, pour lui, ce n’est pas un rôle de composition. Défier la police locale et accepter l’offre d’un riche play-boy qui lui demande de l’exécuter contre une forte somme d’argent non plus. Rien ne déroute Fletcher. A se demander si le mot « Cool » n’a pas été spécialement inventé pour ce type aux allures d’éternel adolescent qui en plus, le veinard, sort avec une actrice, Moxie, qu’on imaginerait bien incarnée par Scarlett Johansson
A l’instar de son créateur, Fletch est l’incarnation d’un gauchisme bronzé et optimiste. Des démocrates de l’aile gauche, de jeunes idéalistes qui risquaient leur peau à vingt ans sur les routes ségrégationnistes de l’Alabama ou dans les Peace Corps, tout en jouant du jazz.
Et pourtant, toujours avec cette radieuse désinvolture qui caractérise l’« homo fletcherus », la lutte pour les droits civiques et la liberté de la presse déjà gangrenée par les faiseurs d’argents nixoniens ou contre les millionnaires qui aiment bien détourner la fortunes de leurs épouses, tout cela n’entre pas nécessairement en contradiction avec un certain hédonisme où les vieilles MG « d’un vert enviable », les docksides éculées et les piscines bleues comme dans une toile de David Hockney sont un décor tout à fait naturel.
On est dans une époque bénie et les enquêtes qui suivront et qui se passeront souvent dans des endroits stratégiques de la vie américaine, comme une campagne présidentielle (Fletch et les femmes mortes) ou un tournage de film hollywoodien (Le culot de Fletch) ne se départiront pas de ce cynisme aimable, de cette ironie gentiment sceptique des vrais progressistes qui n’ont, comme chacun sait, aucune illusion sur la nature humaine.
Le problème, c’est que la nature humaine, bientôt n’aura plus d’humaine que le nom : le lecteur de McDonald aimant retrouver ce cher Fletch qui mettait de la grâce en toute chose, y compris à faire fortune (La fortune deFletch) se retrouve très brutalement, un jour de 1991 (1996 pour le lecteur français), face à un des romans les plus insoutenable de la littérature noire, The Brave, paru au fleuve noir sous le titre, Rafael, derniers jours.
Disons, pour faire vite, que Gregory Mc Donald est un des premier à aborder frontalement le sujet des snuff movies, ces films où sont mis en scène torture et meurtre de manière non simulée, et surtout à rattacher cette problématique du snuff à la misère noire dans laquelle l’hypercapitalisme des années Reagan a plongé ceux qui étaient déjà en marge.
Que le même écrivain ait écrit Fletch et Rafael, derniers jours nous renvoie de plein fouet à cette question « Que se passe-t-il, que se passe-t-il vraiment ? »
Une des marques de fabrique de Mc Donald dans ses Fletch était un art extraordinaire du dialogue, au point que ses romans en sont presque exclusivement composés. Cet exploit formel qui donne cette allure tellement vivante et plaisante à ses intrigues renvoyait évidemment à autre chose qu’à une démonstration de virtuosité. L’omniprésence du dialogue était à l’image du monde d’avant : on s’y parlait.
Pour se draguer, s’engueuler, se menacer, rigoler, qu’importe mais on se parlait.
Le seul dialogue marquant dans Rafaël, dernier jour, est la description minutieuse faite par un producteur véreux des supplices que devra endurer le héros devant la caméra.
Doué pour le bonheur, l’humour, la lutte optimiste pour un monde meilleur, Mc Donald s’est retrouvé confronté à ce point aveugle de l’horreur capitaliste, son stade ultime : le corps comme matière première.
Autrement dit, il a compris ce qui se passait. Ce qui se passait vraiment.


Jérôme Leroy (Shanghai Express)

Le roman de François Taillandier est paru en 1997 chez Fayard. Les romans de Gregory Mc Donald sont plus ou moins disponibles chez J’ai Lu et 10/18.

10 approbations inconditionnelles:

Anonyme a dit…

Adieu Fletch. J'aurai passé de bons moments avec toi , l'été sur des plages grecques ou italiennes .

Anonyme a dit…

Adieu Fletch. J'aurai passé de bons moments avec toi , l'été sur des plages grecques ou italiennes .

Anonyme a dit…

Adieu Fletch. J'aurai passé de bons moments avec toi , l'été sur des plages grecques ou italiennes .

Si ça c'est pas de l'itération, à défaut de littérature mais on n'en demande pas tant par ici a dit…

Tu voulais dire, je pense :
"Adieu Fletch. J'aurai passé de bons moments avec toi , l'été sur des plages grecques ou italiennes ."

Un peu de sérieux, s'il vous plaît ! a dit…

Déblatéreur espaceux, tu voulais sans doute dire :
"Radieu Rfletch. J'aurai repassé de rebonds remoments ravec retoi , le rété sur des replages regrecques ou ritaliennes .

Renseigne-toi, mon regarçon, avant de rintervenir à retords et retravers.

Alfredo Smith-Garcia a dit…

Parfois, votre connerie est abyssale et pitoyable. Vraiment.

Anonyme a dit…

Connerie peut-être mais c'est tout de même mieux que les commentaires baveux et gluants de la moissonneuse qui trouve tout ce que tu dis , écris fais super,méga génial.

Jenny Suarez-Ames a dit…

Tiens, une blatte dystypographique.
Sploatch (bruit de la blatte sous une repetto).

Alfredo Smith-Garcia a dit…

Personne ne voudrait parler de Gregory Mc Donald? Vraiment?

la fin de la douceur a dit…

Fletch c'est la fin des utopies et de la douceur des illusions

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