Cette vanité* restitue une partie des billets ayant été publiés sur le site Les Moissonneuses, créé le 1er août 2006 par Jenny Suarez-Ames et deux copines (Kelp et La Rubia, semblerait-il), puis co-administré — si j'ai bien compris — à partir d'août 2007 par le colonel Alfredo Smith-Garcia, qui vaporisa l'ensemble le 23 janvier 2009.
Certains billets sont bien complets de leurs commentaires, mais la plupart, non : on a fait avec ce qu'on avait.
Comme je suis une truffe en informatique, la mise en page est parfois bousculée, différente de celle d'origine. Si certaines images manquent, c'est qu'elles ont disparu des serveurs qui les hébergeaient. Quant aux liens internes des messages, la plupart ne fonctionnent évidemment plus.
Mr Paic-Machine nous signale aimablement que l'on trouve d'autres archives des Moiss' .

* Les mots en italiques sont dus à l'intelligence de l'Anonyme historique d'autres blogues, fruits plus ou moins ancillaires des Moissonneuses.

samedi 20 février 2010

8 janvier 2009 (1)

jeudi, janvier 08, 2009

Premières phrases


"Cette année-là, je cessai de dormir. Je ne pouvais pas avouer pourquoi. Bientôt même, je commençai de me mentir comme je mentais aux autres. C'était se donner à une solitude plus extrême encore. Je n'éprouvais pourtant aucun plaisir à souffrir."
Michel Déon, Les gens de la nuit, 1958.

18 approbations inconditionnelles:

JML a dit…

« Quand j'ai finalement rattrapé Abraham Trahearne il était en train de boire des bières avec un bouledogue alcoolique nommé Fireball Roberts dans une taverne mal en point juste à la sortie de Sonoma, en Californie du Nord ; en train de vider le coeur d'une superbe journée de printemps. ». James Crumley, le dernier baiser.

Et,

« Quand le téléphone sonna, Parker était dans le garage, il tuait un homme. » Richard Stark, Firebreak.

Une petite dernière :
«A l'âge où les trois quarts des jeunes Ecossais retroussent les jupes des demoiselles, labourent, creusent leurs sillons et répandent leur semence, Mungo Park, lui, exposait ses fesses nues aux yeux du hadj Ibn Fatouni, émir de Ludamar. » T.C. Boyle, xater Music.

George WF Weaver a dit…

Je crois me souvenir [sic] qu'un roman entièrement fait d'incipits (je veux dire, un vrai roman mais qui est un tissu, a weave, de citations initiales) a été publié voici plus de vingt ans, vers 1985. Mais peut-être ai-je rêvé. S'il existe vraiment, quelqu'un en connaîtrait-il les références ?

Alfredo Smith-Garcia a dit…

Possible, George. Ca me dit quelque chose. Il faudrait chercher du côté des branlettes oulipiennes.

George WF Weaver a dit…

Justement, il me semble que ça n'avait rien à voir avec l'Oulipo. Et pour ma part, j'hésiterais à qualifier des trucs comme La vie mode d'emploi ou Ulcérations de "branlettes".

Alfredo Smith-Garcia a dit…

Perec, c'est Les choses, Un homme qui dort, éventuellement W.
La vie Mode d'emploi est typiquement le livre branlette. Enorme branlette, mais branlette. Quant aux épigones, alors là, j'évite.
Je ne connais pas Ulcérations qui en tout cas est un beau titre

George WF Weaver a dit…

Pas d'accord : l'histoire centrale, celle de Bartlebooth (? pas le bouquin en main, mais ce doit être ça, un mélange de Melville et Larbaud), qui décide au seuil de l'âge adulte de passer la seconde moitié de son existence à détruire quasi-scientifiquement tout ce qu'il a fait dans la première, atteint selon moi des hauteurs métaphysiques. Je ne parle pas de la ribambelle d'histoires secondaires (dans la veine de Raymond Roussel que du coup j'imagine ne pas trouver grâce non plus à vos yeux) ni du maëlstrom de contraintes qui servaient à Perec de béquilles et dont le cahier des charges publié ne donne à mon avis qu'une faible idée. Une autre chose qui me fait considérer ce livre comme un OVNI, c'est le fait que Perec a volontairement omis de rédiger le dernier chapitre (il manque une case au carré magique d'ordre 10), laissant au lecteur le soin de le reconstituer. Mais ce point-là, je le reconnais, peut relever de la "branlette" (d'un sacré niveau quand même, ça doit produire de furieux flots de semence, on n'est jamais trop fort pour ce calcul) puisqu'on nage dans la forme, ou du moins tente-t-on d'y surnager.
Quant à Ulcérations, c'est un recueil de poèmes (du même) composé de la totalité des anagrammes possibles du mot-titre. Pas votre tasse de thé non plus, j'imagine.
Sinon, vous avez visité la page de Sarah Weinman ?

birahima2 a dit…

room service

George WF Weaver a dit…

Perec, c'est Perec. On perd ec-strêmement de choses à ne pas comprendre cela, à croire qu'il s'est dévoyé comme des Voyer. Tonnerre, comment ne pas se faire traiter d'apôtre, par ici ?! Perec n'a jamais failli, sinon d'être lui-même.
Ellis Island, j'ignore si c'est disponible sur le net.
Mais un esprit vif et attentif, d'autant plus conscient de l'histoire avec un grand "H" qu'il l'a vécue dans sa chair, un expert de la compréhension qui n'a rien à foutre d'autre chose que les livres et ceux qui désirent en causer, un génie de la langue, ça, non, c'est pas disponible sur le net, et pour cause : Perec est mort près de 20 ans avant l'invention des blogues.
À ceux qui ne connaîtraient pas ce texte, je recommande la lecture de L'Augmentation, récemment réédité, dont France-Culture a jadis (1978 ?) diffusé une belle adaptation. Rien n'a changé : "Diminuez vos revenus… tout en travaillant plus !"

Mimosa a dit…

A George : le livre dont vous croyez vous souvenir serait-il "Longtemps je me suis couché de travers", de Walter Lewino ? Il ne s'agit pas à proprement parler d'un roman, mais plutôt d'une enfilade d'incipit inventés, ou détournés (publié en 1994 chez Mauroce Nadeau).

Mimosa a dit…

Maurice Nadeau, Maurice, avec un "i". Sorry

George WF Weaver a dit…

Merci Mimosa, c'est sans doute cela, puisque ce genre d'ouvrages ne doit guère foisonner. Comme quoi la mémoire peut jouer bien des tours… Je n'en ai trouvé qu'un maigre compte-rendu sur le net, mais je suis du coup allé visiter le blogue savoureux de Walter Lewino, très vert bougre qui fêtera ses 85 balais dans neuf jours.
Et pendant qu'on y est, toujours rien sur JL Dana, l'auteur de En attendant le matin du grand soir ?

Thierry Marignac a dit…

Le DTV a publié un livre intitulé "la première phrase", dans les années 1980, je crois qu'on avait décroché une subvention du ministère, et qu'on participait à 'la joie de lire". Mon complice dans ces affaires devait en savoir au moins autant que Weaver, mais il s'en foutait. On a déjeuné une fois ou deux avec Lewino, qui n'avait rien d'un pédant Oulipo, qui était plutôt un farceur. À l'époque, les poses outragées, genre déconne pas j'ai de la culture passaient pour ridicules, il faut dire. On s'occupait du vivant.

Thierry Marignac a dit…

Ma première phrase choisie et préférée dans l'ouvrage DTV mentionné ci-dessus était de Selby, "Le démon" :
"Harry enferma sa mère dans le placard."

George WF Weaver a dit…

Merci, Marignac : je vais essayer de mettre la main dessus, encore que ce genre de texte soit sans doute plus amusant à composer qu'à lire. J'ai vu qu'un soldeur, sans doute un ex de chez feu Baudouin, propose du DTV sur le net, mais apparemment pas ce titre.
Au vu de son blogue, Lewino semble en effet un sacré farceur, et pas du genre à sucrer les fraises.
Je comprends que vous appréciez l'incipit que vous citez, il y a de quoi, mais au risque de passer pour un poseur outragé, je vous signale qu'il ne s'agit pas du Démon (qui de mémoire, commence par quelque chose comme : "Harry adorait baiser. Mais il n'enculait pas n'importe qui. Uniquement les femmes mariées."), mais de Retour à Brooklyn.
C'est marrant : l'incipit du Démon me ramène à Westlake, dont Un jumeau singulier débute ainsi (toujours de mémoire) : "Toute cette histoire commença assez innocemment : j'avais envie de baiser."

George WF Weaver a dit…

"… que vous appréciiez", pardon.

George WF Weaver a dit…

Bon, vérifications faites au bout de deux jours, ma citation du Westlake était correcte, mais pas celle du Démon, qui débute ainsi :
« His friends called him Harry the Lover. But Harry would not screw just anyone. It had to be a woman… a married woman. »
Ce que Marc Gibot a traduit en français (aux Humanoïdes Associés, collection "Speed 17", 1977) par :
« Ses amis l'appelaient Harry le Baiseur. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui », etc. Enfin, d'après la quatrième de couverture de cette édition.
Car par une ahurissante faute de correcteur (dont il est vrai que les Humanos n'étaient pas avares à cette époque; de fautes, s'entend, pas de correcteurs : leurs bouquins fourmillaient de coquilles), on lit en première page :
« Ses amis l'appelaient Harry. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui », etc.
J'ignore si cette énorme bourde a été réparée dans la réédition 10/18.
Ça me rappelle le titre qu'on pouvait lire au dos (= l'opposé de la tranche) d'un guide Marabout des années 80 (le titre étant correctement orthographié sur la couverture) :
La comunication écrite en dix leçons.

Thierry Marignac a dit…

Vous devez avoir raison pour Selby, je confonds. Curieux, qu'ils n'aient plus de premières phrases chez Baudouin. Il me semble en avoir bougé des caisses pour l'entrepôt il n'y a pas si longtemps (en 2007). Vendu en si peu de temps ? C'est louche.

George WF Weaver a dit…

Je n'ai regardé que sur le site snrbaudouin.com. Mais j'irai faire un tour chez Culture.

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